Le Monde du 11 avril
"Les idées n'ont pas besoin d'être complexes. La plupart des idées qui ont du succès sont ridiculement simples. Ces idées ont généralement l'apparence de la simplicité parce qu'elles semblent inévitables." En écrivant ces lignes dans le magazine Artforum en 1967, Sol LeWitt en disait long sur son oeuvre à venir, plus long que cet artiste épris de discrétion et ennemi du spectacle ne l'aurait toléré plus tard.
Il était alors employé à la librairie du Museum of Modern Art de New York et ses amis se nommaient Dan Flavin, Robert Ryman et Robert Mangold. Le minimalisme américain naissait de leurs conversations - et LeWitt était l'un de ses créateurs.
Né dans une famille d'immigrants russes, Sol LeWitt s'initie à l'art au Wadsworth Atheneum et à l'université de Syracuse avant de servir deux années en Corée. A son retour, en 1953, il s'installe à New York où il travaille comme illustrateur de presse, et comme dessinateur dans les bureaux d'un jeune architecte, I. M. Pei, futur auteur de la Pyramide du Louvre. Il s'exerce parallèlement à la peinture, sans se convaincre que l'expressionnisme abstrait, alors au sommet de sa gloire, pourrait devenir son style. Le constructivisme russe l'intéresse davantage.
Ainsi commence la démarche critique et analytique au cours de laquelle naît l'art de LeWitt : à l'exaltation expressive de la subjectivité il oppose la rigueur d'une géométrie répétitive et, à l'apologie du geste créateur, le respect de règles méthodiques. L'oeuvre se compose de modules stricts - carrés et cubes - à partir desquels des volumes peuvent s'édifier et des dessins être tracés sur les murs. Leur réalisation doit être déléguée à des assistants afin qu'apparaisse dans toute sa pureté la réduction de l'oeuvre d'art à son idée originelle.
En 1968, LeWitt pousse à son paroxysme cette volonté d'effacement : il enterre son Cube contenant un objet d'importance mais de peu de valeur, inhumation symbolique dont ne restent que des photographies. La même année, il recouvre de peinture blanche un dessin mural que le galeriste qui le présentait ne pouvait se résoudre à détruire tant il le trouvait remarquable.
De telles attitudes et ses cubes aux arêtes blanches font alors de lui l'une des figures majeures de l'avant-garde new-yorkaise qui se développe entre minimalisme et conceptuel. Ses architectures transparentes en deviennent bientôt l'un des poncifs, au même titre que les carrés de Carl Andre et les rectangles de Donald Judd. Participant à des expositions collectives, encourageant les jeunes artistes, il est l'un des fondateurs de Printed Matter, éditeur de livres d'artistes, et constitue une importante collection de ses contemporains, qu'il finit par déposer au Wadsworth Atheneum en mémoire de son adolescence.
Une première rétrospective au Museum of Modern Art, en 1978, fait le point sur cette décennie très active. Peu après, Sol LeWitt décide de quitter les Etats-Unis pour s'établir à Spolète. La vue des fresques italiennes l'incite à laisser éclater carrés et cubes, à introduire des lignes courbes, à s'autoriser des couleurs. On peut s'en convaincre en allant voir le Wall Drawing no 711 qu'il fit exécuter en 1992 pour le Musée d'Amiens, géométrie séduite par les démons du maniérisme et de la complexité. De cette deuxième partie de son oeuvre, moins ascétique et plus empirique, un cycle de rétrospectives a retracé l'évolution en 2000-2001 à San Francisco, Chicago et New York.
Philippe Dagen
En France, on peut se rendre à Amiens, au Musée de Picardie, dont le hall central est recouvert d'un splendide wall-painting de Sol LeWitt.
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